2 avr. 2015 Pessac cedex (France)

Accueil

Le Big Data, qui désigne l’agrégation massive et exponentielle d’informations numériques dans de gigantesques banques de données, semble faire rentrer nos sociétés dans ce que certains analystes n’hésitent pas à dépeindre comme un processus généralisé de « datafication de la vie même » (Mayer-Schonberger, Cukier). L’exploitation et le traitement automatisé de ces innombrables données représentent aujourd’hui un enjeu considérable dans des champs aussi divers que la recherche scientifique, les politiques publiques, la régulation de la consommation énergétique, le marketing, les applications de services numériques etc. Si les « Humanités Digitales » interrogent directement la capacité des sciences humaines à intégrer dans leurs pratiques de recherche ces nouveaux outils d’exploitation des données numériques, elles doivent également permettre de questionner la validité et la pertinence de ces outils dans les multiples contextes d’usage qui en sont fait. Le Big Data s’affiche par exemple, dans le champ sociopolitique, comme un nouvel instrument de contrôle social redéfinissant en profondeur les modalités de la « surveillance ». Il participe à instaurer notamment ce qu’Antoinette Rouvroy définit comme un nouveau régime de « gouvernementalité algorithmique ». Une « gouvernementalité » qui n’est pas sans faire écho à l’imaginaire nord américain des TIC qui s’est déployé autour de la première cybernétique et qui continue d’alimenter sous des formes renouvelées la trajectoire des innovations technologiques contemporaines. Sur un plan épistémologique, les Humanités se trouvent quant à elle, dans une position ambivalente vis-à-vis de ces développements qui bouleversent les modalités traditionnelles de la recherche scientifique. Si elles peinent aujourd’hui à s’approprier de tels outils, d’autres acteurs – pour la plupart industriels - se sont clairement positionnés au point de remettre en question l’utilité même de la médiation scientifique dans l’explicitation de phénomènes aujourd’hui potentiellement « dévoilables » par les opérations de « data mining » (opérations que le célèbre informaticien du MIT Alex Portland préfère qualifier significativement de « reality mining »). C’est bien ce que sous-entendait dès 2008 le célèbre consultant américain Chris Anderson en annonçant l’irréversible « obsolescence de la méthode scientifique » face à la montée en puissance des algorithmes de calculs dans le traitement des Big Data. De cette (r)évolution semble émerger une sorte de néo-positivisme scientifique où le data mining fournirait les conditions de possibilité d’une neutralité axiologique : celles d’une approche « objectivante » des phénomènes que la science s’est toujours montrée impuissante à mettre en œuvre. C’est cette tension entre intégrations et critiques des potentialités du Big Data par les SHS que nous souhaiterions mettre en lumière dans le cadre de cette 6ème journée d’étude consacrée aux Humanités Digitales. Trois axes seront traités lors de cette journée d’étude : - la contribution des SHS en général et des Sciences de l’Information et de la Communication en particulier au questionnement critique sur l’exploitation du Big Data tant par la science elle-même que par les acteurs industriels ; - les enjeux auxquels confrontent aujourd’hui le Big Data et son exploitation pour les Humanités et notamment dans des champs disciplinaires comme l’histoire, les SIC, la sociologie, l’anthropologie, les Lettres, la linguistique etc. ; - les implications méthodologiques et épistémologiques de l’exploitation des Big Data pour les recherches menées dans le champ des sciences humaines. La journée se déroulera en 2 parties : la première sera consacrée à des conférences qui porteront un regard critique sur les enjeux du Big data autour des problématiques de la surveillance et du contrôle. Il s’agira également de questionner les imaginaires et idéologies qui se dissimulent derrière les discours profondément positivistes qui entourent l’exploitation grandissante des « datas ». L’après-midi sera consacrée à deux tables rondes qui réuniront des épistémologues, des ingénieurs et des chercheurs en SHS ainsi que des membres de la SFSIC (Société Française des Sciences de l’Information et de la Communication) pour questionner le statut épistémologique présumé de ces « datas ». Au delà des nouvelles méthodes et des outils qui s’offrent aujourd’hui au SHS dans le champ de l’analyse des données, c’est la nature même de la médiation scientifique qu’il s’agira d’interroger.

Personnes connectées : 1